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De retour au village, Elisabeth s’aperçut qu’elle n’avait plus envie de travailler. Elle attendait toujours un envoi de produits médicaux convenables et on lui promettait un médecin depuis un mois et plus. Elle avait fait ce qu’elle pouvait pour que les habitants du village se nourrissent d’une façon équilibrée – mais les produits alimentaires étaient en quantité limitée – et elle avait réussi à traiter les maux les plus simples, tels qu’ulcérations, eczémas et autres affections de cette nature.
La semaine d’avant, elle avait aidé une femme en couches et pour la première fois avait eu l’impression de faire œuvre utile.
Maintenant, alors que l’étrange rencontre au bord de la rivière était encore toute fraîche dans sa mémoire, elle décida de regagner de bonne heure le quartier général.
Avant de partir, elle vit Luiz.
— Si ces hommes reviennent, lui dit-elle, essayez de savoir ce qu’ils veulent. Je serai de retour demain matin. S’ils viennent avant mon arrivée, tâchez de les retenir. Et tâchez de découvrir d’où ils sont.
Le soir tombait quand elle eut parcouru les dix kilomètres jusqu’au dernier quartier général. L’endroit était presque désert… nombreux étaient les travailleurs aux champs qui restaient absents plusieurs nuits de suite. Mais Tony Chappell était là et l’interpella alors qu’elle se dirigeait vers sa chambre :
— Êtes-vous libre ce soir. Lise ? Je pensai que nous pourrions…
— Je suis très fatiguée. Je voulais me coucher tôt.
À son arrivée au Q.G., Elisabeth avait éprouvé une vague attirance envers Chappell et avait commis l’erreur de le lui laisser voir. Les femmes étaient peu nombreuses à la station et il avait réagi avec beaucoup d’empressement. Depuis lors il l’avait rarement laissée tranquille et elle n’avait pas encore découvert un moyen courtois de refroidir ses ardeurs.
Dans sa chambre, elle posa son sac sur le lit, se dévêtit et resta longtemps sous la douche. Plus tard, elle ressortit pour manger, et, inévitablement, Tony vint la rejoindre.
Pendant le repas elle se rappela qu’elle avait eu l’intention de lui poser une question.
— Connaissez-vous aux environs une ville appelée Terre ?
— Terre ? Comme la planète ?
— Ça en avait bien l’air, mais j’ai peut-être mal entendu.
— Où donc ? fit-il en secouant la tête.
— Quelque part dans le coin. Pas loin.
— Ce n’est pas Tertre ou Truc, vous en êtes sûre ? demanda-t-il en riant.
— Eh bien… je dois avoir mal compris.
À son inimitable façon, Tony continua à faire des plaisanteries lamentables sur ce qu’elle avait cru entendre. Elle finit par trouver un prétexte pour le quitter.
Il y avait une grande carte de la région dans un des bureaux, mais elle n’y trouva rien qui ressemblât – du moins par le nom – à la ville où Helward lui avait dit séjourner. Il l’avait décrite comme se trouvant au sud, mais il n’y avait pas d’agglomération importante à moins de cent kilomètres.
Elle était vraiment épuisée et regagna sa chambre.
Elle se déshabilla, prit les deux dessins offerts par Helward et les colla au mur près de son lit. Celui qui la représentait était tellement étrange…
Elle l’examina de plus près. Le papier employé était visiblement très vieux car les bords en étaient jaunis. Elle remarqua alors que les bords supérieur et inférieur étaient dentelés où on les avait déchirés, mais néanmoins en ligne droite.
Elle y passa le bout du doigt… le papier avait été autrefois perforé.
En prenant bien soin de ne pas abîmer le dessin, elle décolla le ruban gommé du mur et reprit l’esquisse en main.
Elle découvrit au dos une colonne de nombres, imprimés au long d’une des marges. Certains étaient marqués d’une astérisque.
Imprimé en bleu pâle le long du bord, elle put lire : IBM Multiford TM.
Elle recolla le croquis au mur et le contempla longuement, sans comprendre davantage.